Suspension des prestations à domicile

Suspension des prestations à domicile

Le verdict est tombé début novembre : les masseurs à domicile (tout comme les esthéticiennes et les coiffeurs à domicile), ne peuvent plus exercer et ce jusqu’à la fin du confinement.

Concrètement, pour moi, ça ne change pas grand-chose. Je ne fais pas de domicile, sauf cas très exceptionnel. Mais pour certains qui ne vivent que du domicile, c’est un coup dur. Coup qui selon Les Echos vient des syndicats des métiers du bien-être. Ceux-ci considèrent que cette concurrence déloyale n’a pas lieu d’être. Sous prétexte qu’ils sont fermés, les salons n’acceptent pas que d’autres (les indépendants à domicile) puissent travailler et ne sont satisfaits que si tout le monde ferme. Du moins en tout cas leurs représentants.

« On ne peut pas interdire le travail en institut et l’autoriser à domicile. Soit c’est tout le monde, soit c’est personne », dit-on à la Confédération nationale artisanale des instituts de beauté et spas (CNAIB).

« On ne pouvait pas avoir deux poids deux mesures, alors que toute la profession souffre. » affirme Christophe Doré, président de l’Union nationale des entreprises de coiffures (UNEC).
« Nous ne voulons pas opposer les uns et les autres. Nous faisons le même métier »

Alors oui, nous faisons le même métier (je parle pour les masseurs), mais à peu près autant qu’un restaurateur et un cuisinier à domicile. Nous n’avons absolument pas les mêmes contraintes, qu’elles soient sanitaires ou autres. Et c’est oublier le fait que les clients du domicile et ceux des salons ne sont pas les mêmes la plupart du temps. Je le vois bien, certaines personnes veulent être massées à domicile et d’autres surtout pas. Nous ne sommes pas en concurrence ou alors très peu.

Et c’est ce que reflète les dires de Pierre André : « Ce sont des indépendants à qui on a coupé les vivres, tout ça pour protéger de grandes chaînes. »

Je suis plutôt d’accord avec la première partie de cette phrase, pour les praticiens indépendants, la période est difficile. Ce n’est pas moi qui vais dire le contraire. Mais je le suis moins avec la deuxième partie de phrase que je trouve démagogique. Parce qu’en fait de « grandes chaînes » on a bien souvent des salons indépendants qui ont parfois fait des investissements énormes pour accueillir leurs clients. Et puis je trouve que M. André, en sa qualité de co-fondateur de Wecasa, (très) grosse plateforme de réservation de massage (entre autres choses), a beau jeu de parler de « chaînes ». Comme si c’était lui l’indépendant…  Pour remettre les choses en perspectives, l’année dernière, mes collègues affiliés appelaient au boycott de ladite plateforme pour cause de baisse unilatérale des montants perçus par massage. A ce moment-là, Wecasa ne se préoccupait pas tant des indépendants. Et en l’occurrence, la plateforme va perdre elle aussi pas mal d’argent suite à cette décision gouvernementale, ce qui doit pas mal influencer le propos de M. André.

Reste que pour moi cette justification de soi-disant équité entre salons et praticiens à domicile n’est pas recevable. En tant que salon (tout petit et de fait, assimilé à un indépendant), ça ne change rien à ma vie qu’une collègue masseuse continue son travail à domicile. Et si je devais me préoccuper des « grandes chaînes », je n’aurais pas ouvert mon salon pour commencer. En fait, je crois que nous avons un bel exemple ici de l’envie telle que définit la psychanalyste Mélanie Klein. Selon elle, « L’envie est une colère destructrice contre ce que quelqu’un a et que le sujet n’a pas. » L’envieux ne souhaite pas avoir ce que l’autre a et que lui n’a pas, mais souhaite plutôt détruire l’objet de sa convoitise de sorte que l’autre ne l‘ait pas. Nous sommes devant une belle illustration sociétale du « paradoxe stérile de l’envieux » décrit par le sociologue allemand Helmut Schoeck. (Désolée, c’était l’instant culture). Honnêtement je n’ai jamais compris pourquoi les gens jugent leur satisfaction à l’aune de la déception des autres. Il faut croire que je ne suis pas envieuse pour deux sous.

En revanche, pour ce qui est de la propagation du virus, la décision initiale de laisser les praticiens à domicile exercer était plus équivoque. Même si on considère que les clients en salon, plus nombreux à se croiser, auraient été plus exposés, c’est un leurre de croire que le domicile ne générait aucun risque. Dans mon cas particulier, le risque était même strictement identique, puisque je ne reçois qu’un client à la fois. Dès lors, même si d’autres professions se déplacent toujours et qu’on pourrait argumenter sur le côté essentiel de notre belle profession, ce n’était pas logique que d’un côté les salons ne reçoivent plus pour stopper le virus mais que les masseurs à domicile continuent à se déplacer et à potentiellement le propager.
Et c’est en cela que cette mesure est juste et uniquement en cela.

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